Page:Les Mille et Une Nuits, trad. Galland, Le Normant, 1806, VIII.djvu/51

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LES
MILLE ET UNE NUITS,
CONTES ARABES.


La sultane Scheherazade[1] ayant achevé l’histoire des deux sœurs ja-

  1. Les noms des deux sœurs, Scheherazade et Dinarzade, sont composés des mots schéher et dinar, suivis de la terminaison zade, qui est dérivée du verbe persan zaden, naître, et marque un rapport d’origine. Ainsi Parizade, nom d’une princesse dans l’histoire précédente, signifie née d’un génie, ou de la race des génies ; nom que les poètes persans donnent quelquefois à une belle personne, et d’où paroît venir celui de Parysatis, femme de Darius Nothus.
    Schéher désigne en persan une ville ; mais cette signification ne paroît pas convenir beaucoup icic, et la langue arabe nous fournit une idée plus ingénieuse. Shéher ou schahar, signifie dans cette langue mois, ou proprement lune ; Scheherazade, selon cette étymologie, est la même chose que née de la lune, ou belle comme la lune, comparaison souvent répétée dans ces contes.
    Le mot dinar, le même que denarius, denier, indique une pièce d’or ou d’argent. Dinarzade signifie donc proprement enfant d’or ou d’argent ; et par métaphore, belle, précieuse comme l’or et l’argent. Ces noms propres ont été, comme on voit, assez bien choisis par l’auteur arabe, et la ressemblance de terminaison convient encore bien à des noms de sœurs.
    Le nom du sultan des Indes, le grand roi Schahriar, mérite également d’être remarqué.
    Schahriar signifie en persan roi, empereur, ainsi que schah. De plus, on lit, au commencement des Mille et une Nuits, que ce roi « étoit de la maison des Sassaniens (ou Sassanides), qui avoient étendu leur empire dans les Indes, et jusqu’à la Chine. » On trouve effectivement dans la liste des Sassanides un roi nommé Schahriar. On pourroit objecter que ce prince, dont le règne fut court, n’étoit pas de la famille royale ; mais Schahriar est aussi le nom d’un prince de cette famille, père d’Iezdegerd, dernier roi de la dynastie. On sent, malgré cela, qu’aucun de ces princes ne peut être regardé comme étant le sultan Schahriar des Mille et une Nuits, puisque toutes les histoires qu’on lui raconte, notamment celle des Califes et d’Haroun Alraschid, se rapportent à des époques bien postérieures à celle des Sassanides. L’auteur paroît seulement avoir supposé que son sultan des Indes et de la grande Tartarie tiroit son origine des anciens rois Sassanides, et il s’est conformé autant qu’il a pu à la vraisemblance, en lui donnant un nom connu dans l’histoire de cette monarchie. On peut encore remarquer que le nom Schahriar est écrit dans quelques manuscrits, Schahrebar et Schahrebaz, prononciations qui se rapprochent davantage des noms Sarbaros et Sarbazas qu’on lit dans les écrivains grecs du moyen âge.