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LES RAVAGEURS

dehors au moyen d’un peu de matière soyeuse bavée par la chenille ; au dedans, de soie seule, de sorte qu’une fine doublure défend la peau délicate de la teigne de tout rude contact. L’habit de la chenille a la couleur du drap tondu ; il y en a de blancs, de noirs, de bleus, de rouges, suivant la teinte de l’étoffe. Il y en a même de bariolés de diverses couleurs, quand la chenille prend des brins de laine un peu par-ci, un peu par-là, sur une étoffe à plusieurs teintes. C’est alors une espèce d’habit d’Arlequin.

Cependant la chenille grandit, et le fourreau devient trop court et trop étroit. L’allonger est facile : il suffit d’ajouter de nouveaux brins de laine à l’extrémité ; mais comment faire pour l’élargir ? Eh bien, l’ingénieuse chenille semble avoir pris conseil d’un tailleur : avec les dents pour ciseaux, elle fend l’habit tout du long, et dans la fente elle ajuste une pièce neuve. La reprise est si bien faite, si bien cousue avec de la soie, que la couturière la plus habile difficilement ferait aussi bien.

Pour garantir des teignes les habillements de laine, on est dans l’usage de mettre dans les armoires qui les renferment des plantes odoriférantes, du poivre, du camphre. On a recours encore aux fumigations de tabac, aux émanations de l’essence de térébenthine, des huiles de goudron. Mais le moyen le plus sur consiste à visiter fréquemment les étoffes, à les secouer, les battre et les exposer à la lumière, car toutes les teignes aiment le repos et l’obscurité. Mère Ambroisine le sait très bien. Comme elle secoue au soleil les habits d’hiver de l’oncle ! Pan, pan, pan, pan, pan.