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LES RAVAGEURS

Sa larve est plus à craindre. Elle est très agile et de forme disgracieuse, comme le sont en général les larves des carabiques. Sa couleur est brune, plus foncée en avant, plus claire en arrière. Pendant deux à trois ans, elle vit en terre dans des trous de plusieurs pouces de profondeur. Elle en sort la nuit pour fouiller avec les mandibules au pied des tiges de blé, les couper quand elles sont jeunes et les entraîner dans son trou.

D’ordinaire les zabres sont peu nombreux et leurs dévastations passent inaperçues : quelques centaines d’épis de moins ne peuvent donner l’éveil. Mais si les circonstances les favorisent, ils pullulent au point de devenir un fléau terrible pour les céréales. Il y a quelques années, dans une province de la Belgique, sur 457 hectares de seigle, 114 furent complètement rasés par les zabres ; où l’insecte avait passé, le moissonneur ne trouvait plus un épi.

Jules. — Ils doivent être bien nombreux pour dévaster de telles étendues.

Paul. — Si nombreux qu’on n’ose y songer. C’est du reste ainsi pour la plupart des insectes : quand ils se mettent à multiplier, leurs légions sont au-dessus de tout dénombrement. Si rien n’y mettait ordre, en quelques années ils envahiraient la terre entière.

Jules. — Qui donc s’y oppose ?

Paul. — Qui, mon enfant ? La grande moissonneuse, la mort, qui met un invincible obstacle à l’encombrement et maintient toutes choses dans de justes limites. La vie se nourrit de la vie : chacun tour à tour est mangeur et mangé. Le zabre doit manger, rien de plus juste, et la jeune tige de blé