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LA PROCESSIONNAIRE DU PIN

fil, tandis que la chenille fait quelques pas. La tête alors s’abaisse encore, puis elle se relève, et une seconde longueur de fil est mise en place. Chaque chenille qui suit chemine sur les fils laissés par celles qui la précèdent, et ajoute son propre fil à la voie, si bien que dans toute sa longueur le chemin parcouru se trouve tapissé d’un ruban soyeux. C’est en suivant ce ruban conducteur que les processionnaires reviennent à leur gîte, sans jamais s’égarer, si tortueuse que soit la voie suivie.

Veut-on mettre la procession dans l’embarras, il suffit de passer le doigt sur la trace pour couper le chemin de soie. La procession s’arrête devant la coupure avec tous les signes de la crainte et de la défiance. Passera-t-on ? ne passera-t-on pas ? Les têtes s’élèvent et s’abaissent avec anxiété, recherchant les fils conducteurs. Enfin, une chenille plus hardie que les autres, ou peut-être plus impatiente, franchit le mauvais pas et tend son fil d’un bout de la coupure à l’autre. Une seconde, sans hésitation, s’engage sur le fil laissé par la première, et, en passant, ajoute son propre fil au pont. À tour de rôle, les autres en font autant ; bientôt le chemin rompu est réparé, et le défilé de la procession se continue.

Jules et Louis se trouvèrent bien dédommagés de leur course par cette curieuse histoire des processionnaires ; Émile lui-même, Émile l’étourdi, était dans l’admiration. De plus, l’oncle leur permit d’attacher le nid à un arbre pour assister, d’un moment à l’autre, à la procession. Sur les six heures du soir, à la fraîcheur, les chenilles sortirent et se répandirent sur l’arbre, bien alignées à la file l’une de l’autre. Au