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LES RAVAGEURS

de sa raison. C’est à la Sagesse infinie que doit revenir notre admiration, cette sagesse qui régente le monde et dont l’empreinte ineffaçable se retrouve jusque dans un troupeau de chenilles broutant le dos d’une feuille.

La première faim apaisée, les chenilles se construisent un abri contre la pluie et les ardeurs du soleil. Du côté rongé, la feuille s’est plus desséchée que de l’autre, et de la sorte a pris d’elle-même une forme concave en dessus, ce qui la rend très convenable pour le plancher et les parois de l’habitation. Quant au plafond, il doit être en soie. De l’un à l’autre des bords relevés de la feuille, les chenilles tendent des fils pour consolider l’édifice et pour servir de charpente à la toiture ; enfin elles tissent une toile sur ce réseau de cordages. Cela forme une tente provisoire, où les chenilles se réfugient le soir pour y passer la nuit après avoir vagabondé sur le feuillage la plus grande partie du jour et pâturé tantôt sur une feuille, tantôt sur une autre. Elles s’y blottissent également quand la chaleur est trop forte ou que le temps menace. C’est un logement construit à la hâte, de peu de durée et d’ailleurs insuffisant pour les contenir toutes. D’autres tentes sont donc construites sur des feuilles rongées, et les chenilles vivent quelque temps séparées par petites familles.

Mais quand soufflent les premiers vents pluvieux d’automne, en septembre ou octobre, un grand édifice est construit où toutes doivent se rassembler pour passer en commun l’hiver. C’est un gros paquet de soie blanche et de feuilles sèches, sans forme déterminée L’intérieur est divisé par des cloisons de soie