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LES RAVAGEURS

faire des fagots. Vous avez semé quelques hectares de froment ou de colza, vous avez dépensé en grain et en labours des sommes considérables, mais la récolte promet d’être belle et de vous dédommager largement. Le turc monte de terre, adieu la récolte : les tiges se dessèchent sur place, elles n’ont plus de racines. Quand ce terrible ver envahit un pays, la famine serait certaine si la facilité des communications ne permettait l’arrivée des vivres d’autres contrées. Aujourd’hui, progrès énorme, grâce aux moyens de transport et aux progrès du commerce, on ne meurt pas de faim dans une province quand le ver blanc a ravagé les champs ; on ne meurt pas de faim, mais que de misères amène la dévorante larve ! Bon an, mal an, dans l’étendue seule de la France, elle détruit pour des millions et des millions.

Émile. — Mes pauvres hannetons ! Votre procès me paraît bien perdu. Je ne vous savais pas si méchants avant d’être hannetons.

Jules. — Il y en a donc des quantités prodigieuses ?

Paul. — Des quantités effrayantes. Lorsqu’un champ est envahi par ces larves, la terre, minée dans tous les sens, n’a plus de consistance et s’effondre sous les pieds. Une année, dans le département de la Sarthe, les ravages devinrent tels, qu’il fallut recourir à l’extermination en règle. On fit en grand la chasse aux hannetons. On en prit 60,000 décalitres, pouvant contenir environ 5,000 hannetons chacun. Le total des insectes s’élevait donc à 300 millions.

Émile. — Est-ce beaucoup ?