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LE HANNETON

sans relâche jusqu’à la fin de mai ; elle doit se faire avec ensemble, sinon les hannetons des voisins insouciants viendront dans les autres cultures, et rien ne sera fait. Voilà pour quel motif un règlement serait à souhaiter sur le hannetonnage, comme nous en possédons un déjà sur l’échenillage.

Émile. — Les hannetons ne mangent que des feuilles, et vivent peu de temps. Ils ne doivent pas faire les mêmes dégâts que les larves. Alors pourquoi les détruire avec tant de rigueur ?

Paul. — Les dégâts des hannetons sont peu de chose, il est vrai, par rapport à ceux des larves ; mais oubliez-vous, mon petit ami, que les hannetons pondent dans la terre les œufs d’où les larves proviennent ? Chaque couple produit un assez grand nombre d’œufs ; admettons une cinquantaine. Lorsque, dans le département de la Sarthe, on a recueilli 300 millions de hannetons, on a donc délivré les récoltes futures de sept mille cinq cents millions de vers.

À ce nombre effroyable, Émile fit un bond et disparut dans l’appartement voisin. On l’entendait frotter des pieds la terre. Ah ! les affreuses bêtes, les bêtes goulues, disait-il, en écrasant sous les pieds les six hannetons de sa boîte. L’exécution faite, il revint. L’oncle riait de son transport de colère.

Paul. — Vous pouviez les garder, vos six hannetons, mon enfant, sans compromettre l’avenir de la France ; vous pouviez leur chanter : « Vole, vole ! » sans nous attirer la famine. Six de plus, six de moins ne sont rien au total.

Pendant que Jules et Louis riaient aussi, l’oncle