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LES RAVAGEURS

des feuilles et y trace de fines découpures ayant quelque ressemblance avec une écriture embrouillée. Il attaque de la même manière la queue des feuilles et des grappes, les jeunes pousses, les grains de raisin. Si les eumolpes sont abondants, toutes ces déchirures font dépérir les ceps, qui ne donnent que des fruits rares et de mauvaise qualité.

Les larves de l’écrivain vivent dans le sol. Pour les détruire, on retourne en hiver les terres infestées ; l’exposition aux intempéries les fait périr. Quant à l’insecte parfait, il faut des soins minutieux pour en débarrasser une vigne. Au moindre signe de danger, lorsqu’il est sur les feuilles occupé à tracer sa nuisible écriture, il rassemble les pattes sous le ventre et se laisse tomber sur le sol, avec lequel il se confond par sa couleur terne ; puis il ne bouge plus, il fait le mort.

Émile. — Il croit se tirer d’affaire en ne remuant pas ?

Paul. — Sans doute, parce qu’on le prend pour un grain de terre, si par hasard on l’aperçoit.

Émile. — Ne vaudrait-il pas mieux pour lui s’enfuir que de faire le mort ?

Paul. — Il a le vol trop lourd et les pattes trop courtes. Tous les insectes qui ne peuvent rapidement s’envoler et qui sont dépourvus de moyens de défense font comme l’écrivain au moment du danger : ils ne bougent plus. Le plus souvent ce moyen leur réussit, parce que leur couleur, en général terne, les fait confondre avec le sol.

Émile. — Ah ! les rusés !

Paul. — Eh bien, c’est la ruse de l’eumolpe que