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LE COUPE-BOURGEONS

Paul. — Il n’y a pas d’inconvénient. Passons à un autre attelabien. Voyez un peu comme les goûts changent dans un groupe d’insectes en qui l’œil exercé reconnaît cependant d’intimes ressemblances, je dirais presque une étroite parenté. Les uns façonnent en rouleaux les feuilles de la vigne, du chêne, du peuplier ; les autres percent les fruits avec leur bec ; celui dont je vais vous parler coupe à demi les sommités des pousses jeunes et tendres de divers arbres fruitiers. Aussi l’appelle-t-on vulgairement coupe-bourgeons. C’est encore un rhynchite, mais beaucoup plus petit que celui de la vigne et des pruniers. On le nomme rhynchite conique, à cause de la forme de son corselet, qui s’amincit un peu en avant à la manière d’un tronçon de pain de sucre. Il est assez brillant, et d’un bleu virant au vert.

Son industrie est fort curieuse. Au printemps, il s’établit sur le poirier, le cerisier, l’abricotier, le prunier, l’aubépine, indifféremment. Il choisit une à une les pousses à sa convenance ; puis, dans la sommité encore en herbe, il perce avec le bec un petit trou au fond duquel il dépose un œuf. Or il faut à la jeune larve, paraît-il, une nourriture un peu faite, mortifiée, et non les sucs âpres de la pousse fraîche et vigoureuse. Nous-mêmes, n’avons-nous pas des goûts de ce genre ? Mangerions-nous les nèfles et les sorbes telles qu’on les recueille sur l’arbre ? Non, il faut d’abord les laisser se mortifier sur la paille, tourner à moitié au pourri.

Émile. — Elles sont bien bonnes alors, mais avant elles sont détestables.

Paul. — C’est ce que dit aussi la larve du charan-