Page:Les Ravageurs, Jean-Henri Fabre.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
LE COUPE-BOURGEONS

faire faner au soleil, de les façonner en rouleaux ? Mais en rien, absolument en rien : le charançon ne mange pas ces feuilles, il ne se loge pas dans leur étui. Il use sa vie à ce travail uniquement en vue des larves qui doivent éclore après sa mort. Avez-vous réfléchi, mes enfants, à ce perpétuel miracle, le miracle d’une mère qui ne vit que pour ses fils, des fils qu’elle ne doit jamais voir ? Je ne vous le cacherai pas : je me sens remué chaque fois que je songe à ces prévisions maternelles, à ces minutieux préparatifs pour l’inconnu de l’avenir. L’Œil qui voit tout est là.

À sa manière, le rhynchite conique prépare la pâtée de sa famille. Il faut à la larve, vous disais-je, les sucs moins âpres d’une pousse mortifiée. Que fait la mère pour mettre à point le jeune rameau ? Au-dessous de l’endroit où l’œuf est pondu, elle entaille circulairement l’écorce et le bois avec ses fines mandibules, de sorte que la pousse ne tient plus que par un filet central. La sève ne circulant plus, les feuilles se fanent, la sommité du rameau noircit et tourne à l’état de mortification aimée de la larve.

Émile. — Je savais faire mûrir les nèfles sur la paille, mais j’aurais été bien embarrassé pour faire mûrir le rameau. Sont-elles curieuses, ces bêtes, avec leurs industries ! L’une fait ceci, l’autre fait cela ; c’est toujours ingénieux et ce n’est jamais la même chose.

Paul. — Il est fâcheux que, trop souvent, l’industrie des insectes s’exerce à nos dépens. Quand un arbre fruitier a été travaillé par le rhynchite conique,