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LES RAVAGEURS

et léger. Le gaz et le goudron s’écoulent par un canal, le coke reste dans le vase en fonte. Le goudron est une matière très noire, visqueuse, douée d’une odeur forte qui déplaît aux insectes.

Jules. — Alors vous en mettiez une couche autour de la tige des arbres pour éloigner les insectes ?

Paul. — Il m’est venu du voisinage à travers la haie certains papillons dont je crains les chenilles. La ceinture de goudron appliquée à la base des tiges doit les empêcher de monter aux branches pour y pondre leurs œufs. Je préserve ainsi les arbres fruitiers des chenilles qui plus tard en détruiraient le feuillage.

Jules. — Mais les papillons volent très bien ; votre goudron ne les arrêtera pas. S’ils ne peuvent monter aux branches par le tronc, ils s’y rendront en volant.

Paul. — Pour un papillon apte à voler, d’accord. S’il ne vole pas, au contraire, s’il ne peut que marcher, n’est-il pas vrai que la couche de goudron cerclant le bas de la tige doit être un obstacle infranchissable pour lui ? D’abord l’odeur du goudron lui répugne, et puis, s’il s’aventure sur la bande visqueuse, infailliblement il s’empêtre et périt englué.

Louis. — C’est visible. Reste à savoir s’il y a des papillons qui ne volent pas.

Paul. — Il y en a.

Émile. — Et ces fainéants-là n’osent déployer leurs ailes ? C’est trop pénible peut-être.

Paul. — Comment les déploieraient-ils pour voler ? Ils n’en ont pas, les malheureux.

Émile. — Celle-là compte. Des papillons sans ailes !