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LES ARPENTEUSES

Paul. — Oui, mon ami, des papillons sans ailes. On va vous les montrer. Celui-ci s’appelle la phalène effeuillante.

Émile. — Mais il en a, des ailes, et de magnifiques, toutes piquées de points bruns sur un fond jaunâtre.

Paul. — J’ajouterai que les supérieures ont des bandes obscures. Que dites-vous maintenant de cet autre ?

Émile. — Cette laide bête n’est pas un papillon.

Paul. — Les apparences sont pour vous, mon cher enfant, mais non la réalité. Cette disgracieuse créature, qui traîne péniblement son ventre volumineux, pelé, jaunâtre et marqué de gros points noirs, est la femelle du papillon qui précède.

Émile. — Jamais je ne m’en serais douté.

Paul. — Ni vous ni bien d’autres. Désormais vous saurez que, parmi les papillons, il y a pas mal d’espèces dont les femelles sont dépourvues d’ailes ou n’en possèdent que des moignons impropres au vol, tandis que les mâles en ont toujours de bien développées. Or ce n’est pas le mâle qui est à craindre, c’est la femelle avec ses œufs. Le rôle de la couche de goudron passée au pied des arbres est de l’arrêter quand elle cherche à grimper pour atteindre les branches où la ponte doit se faire. Rebutée par l’odeur, elle rebrousse chemin ; ou bien elle persiste à vouloir passer outre, et alors elle périt dans la glu.

Jules. — Si la femelle pondait ses œufs autre part que sur les rameaux, à terre par exemple, est-ce que les chenilles ne sauraient pas monter sur l’arbre toutes seules ?