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LES RAVAGEURS

avec la substance du fourrage. Sans l’aide de la chenille, l’homme ne pourrait jamais retirer des feuilles du mûrier la matière de ses tissus les plus précieux. Nos admirables étoffes de soie prennent réellement naissance dans le ver, qui les bave en un fil.

Revenons à la chenille suspendue au milieu de son lacis. Maintenant elle travaille au cocon. Sa tête est dans un mouvement continuel. Elle avance, elle recule, elle monte, elle descend, elle va de droite et de gauche tout en laissant échapper de sa lèvre un menu fil qui s’enroule à distance autour de l’animal, se colle aux brins déjà placés, et finit par former une enveloppe continue de la grosseur d’un œuf de pigeon. L’édifice de soie est d’abord assez transparent pour permettre de voir travailler la chenille ; mais en augmentant d’épaisseur, il dérobe bientôt aux regards ce qui se passe dedans. Ce qui suit se devine sans peine. La chenille, pendant trois à quatre jours, épaissit la paroi du cocon jusqu’à ce qu’elle ait épuisé ses provisions de liquide à soie. La voilà enfin retirée du monde, isolée, tranquille, recueillie pour la transfiguration qui bientôt va se faire. Toute sa vie, sa grande vie d’un mois, elle a travaillé en prévision de la métamorphose ; elle s’est bourrée de feuilles de mûrier, elle s’est exténuée à faire de la soie pour son cocon, mais aussi elle va devenir papillon. Quel moment solennel pour la chenille !

Jules. — Les autres chenilles font sans doute comme le ver à soie ?

Paul. — Beaucoup, mais non toutes. Il y en a qui n’ont pas assez de liquide à soie pour construire un solide cocon ; alors elles associent diverses matières