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LE COSSUS

leux d’une odeur déplaisante que l’on sent en approchant seulement de l’arbre où elle réside. Peut-être se sert-elle de cette humeur corrosive pour ramollir le bois et le rendre de digestion plus facile. Quelle horreur de chenille !

Comment faire pour rapporter à l’oncle la précieuse capture ? Jules est ingénieux : il eut bientôt fait un cornet de papier où la bête fut poussée avec un bâton. Il mit dans sa poche quelques morceaux d’écorce et de bois qui lui paraissaient travaillés d’une certaine façon, il mit dans une boîte une douzaine de petits scarabées trouvés sous l’écorce, et l’on partit. En route, à diverses reprises, il fallut renouveler le cornet troué par la chenille, qui mâchait le papier aussi facilement qu’une feuille tendre de laitue. L’oncle était sur la porte ; il les vit arriver tout radieux de joie.

Paul. — La chasse est bonne. Pour votre coup d’essai, vous avez mis la main sur l’ennemi le plus redoutable des arbres.

Jules. — On l’appelle ?

Paul. — On l’appelle cossus gâte-bois. C’est la chenille d’un gros papillon que je vous montrerai tout à l’heure. Comme la chenille de la zeuzère, au sortir de l’œuf, elle se creuse un domicile dans le bois, qu’elle troue de larges et profondes galeries en rapport avec sa taille. Les ormes, les saules, les chênes, les peupliers, les platanes, sont les arbres qu’elle préfère. Elle vit trois ans ; aussi quand un arbre recèle plusieurs de ces terribles chenilles, est-il difficile qu’il résiste à leurs ravages si longtemps prolongés. Le nom de gâte-bois n’est que trop