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LES RAVAGEURS


Choisis pour l’immoler le temps où des ruisseaux
Déjà les doux zéphirs font frissonner les eaux,
Avant que sous nos toits voltige l’hirondelle,
Et que des prés fleuris l’émail se renouvelle.
Les humeurs cependant fermentent dans son sein.
Ô surprise ! ô merveille ! un innombrable essaim
Dans ses flancs échauffés tout à coup vient d’éclore :
Sur ses pieds mal formés l’insecte rampe encore ;
Sur des ailes bientôt il s’élève en tremblant ;
Plus vigoureux enfin, le bataillon volant
S’élance.................


Dépouillé des longueurs et des pompeux ornements de la poésie, cela signifie que, pour faire naître un essaim d’abeilles, il faut assommer un taureau et le laisser se corrompre. De la charogne infecte un essaim doit sortir.

Jules. — La singulière idée ! Les abeilles naissent du couvain de la ruche, des œufs pondus par d’autres abeilles.

Paul. — Il n’est pas difficile de démêler la cause de l’erreur, je ne dis pas de Virgile, car évidemment le poète n’est ici que l’écho des préjugés de son temps, mais bien de ceux qui les premiers crurent voir un essaim d’abeilles s’engendrer dans un cadavre en putréfaction. Diverses mouches pondent leurs œufs sur les chairs corrompues. Bientôt ces œufs se développent en larves, en vers âpres à la curée, qui rongent, fouillent le cadavre et se transforment enfin en mouches. L’une des plus répandues de ces espèces vouées au travail de l’assainissement général est l’Éristale, dont la larve n’est autre que l’immonde asticot, ce ver replet que termine une queue effilée.

Jules. — J’ai vu de ces vers à queue dans le purin du fumier, dans la pourriture d’un chat mort.