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LES RAVAGEURS

Elles étaient mortes. Les enfants étaient presque effrayés de la rapidité d’action de ce terrible liquide.

Jules. — Les charançons n’ont pas bu le poison, comment donc sont-ils morts ?

Paul. — L’odeur seule du sulfure de carbone les a tués. Tout insecte, si gros, si vigoureux qu’il soit, succombe à l’instant s’il se trouve dans les vapeurs de ce liquide. Les larves, les nymphes, les œufs mêmes y périssent avec une égale rapidité.

Vous pouvez maintenant comprendre comment je me propose de traiter le blé de Simon. Le froment sera mis dans des tonneaux aussi grands que possible, que l’on remplira aux trois quarts seulement ; ensuite, dans chaque tonneau, on versera du sulfure de carbone, un demi-litre environ pour mille kilogrammes de blé. Le tonneau étant bouché, on le roulera, pour bien répartir le liquide dans toute la masse ; enfin on laissera les vapeurs agir pendant vingt-quatre heures. Alors on videra les tonneaux, pour recommencer l’opération sur d’autres grains. Inutile de vous dire qu’après vingt-quatre heures de séjour dans les vapeurs mortelles, calandres, larves, œufs, nymphes, tout enfin sera mort.

Jules. — Je le crois bien, puisque en moins d’une minute les charançons succombaient dans le flacon.

Louis. — Mais le blé doit être gâté par ce liquide puant ?

Paul. — En aucune manière. Une fois sorti du tonneau, le blé est exposé à l’air et remué à la pelle. Le sulfure de carbone, si facile à s’évaporer, disparaît sans laisser la moindre trace d’odeur. Enfin le blé est toujours propre à faire une excellente farine,