Page:Les Soirées de Médan.djvu/200

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pas manquer d’initiative ou alors, si soi-même on n’osait pas d’ailleurs, elle comprenait ça, il y a des fois où la chose est assez difficile, eh bien ! on s’adressait à une personne de confiance qui se chargeait de…

Et, dans une fin de phrase où elle essayait de dissimuler avec des mots délicats l’énormité de sa proposition, elle offrit ses services. Du reste, elle demandait pardon à madame, mais au fond, elle avait lieu d’être flattée, madame avait été remarquée l’autre jour par un officier supérieur.

— Quel officier ? demanda Mme de Pahauën, je n’entends rien à ce que vous voulez dire. Expliquez-vous, voyons ?

— Un de ceux qui sont auprès de l’empereur Guillaume. Ils ont un nom. Ma foi je ne sais plus comment.

— Eh bien, ce monsieur, que veut-il ?

Alors Mme Worimann croyant d’avance au consentement de Mme de Pahauën, la voix basse, les yeux brillants, lui apprit ce qu’on désirait d’elle, et le prix qu’on était décidé à mettre pour la possession de sa personne.

Pour la première fois, Mme de Pahauën eut conscience de son infamie, sa vie tout entière à ces mots lui apparut méprisable et turpide. Tout le décor de luxe, l’apothéose de féerie dans lequel elle avait trôné, triomphante, accumulant les impudicités et compliquant les débauches, d’un coup, s’écroula. Dans une évocation soudaine, elle se revit passant au milieu des salles des Tuileries. Les orchestres, cachés, chantaient sous des fleurs ; on dansait et il y avait d’un bout à l’autre, sous l’éclatante lumière des lustres, des ondoiements d’épaules blanches où ruisselaient des diamants.