Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/81

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Mais helas ! quelque temps pour un secret dessin,
Il me faut malheureux contraint par mon destin,
Eslongner de vos yeux le rayon qui m'esclaire,
La fortune le veut, je ne le puis fuir
Il faut sentir du mal, pour puis apres jouir,
Avec quelque bon heur du bien que l'on espere.

Ha ! que j'ay de regret de penser seulement
Aux ennuyeux discours qui ordinairement
Estant absent de vous doubleront mon martyre :
Et de me voir si loin banni de tout espoir
De pouvoir quelque fois, plus constant vous revoir,
Pour trouver en vos yeux l'ame que j'en respire.

Je seiche sur le pied, & la mort peu à peu
Avec ses froids galçons casse de moy le feu,
Dont mon ame en mon sang est doucement nourrie,
Je defaux, je peris, & ja dans le cerceuil
J'eusse esteint pour jamais la clarté de mon œil,
Si je n'eusse esté seur que nous aimez ma vie.

Mon esprit est confus, & trop de passion
M'empesche de sentir ma dure affliction,
Tant mon mal renaissant s'epend dedans mes veines :
Et pourtant en ces pleurs je ne puis assembler
La disme du malheur qui me venant troubler,
Fait que par maux nouveaux je n'oublie en mes peines.

Je ne puis plus longt temps vous conter mes langueurs
Et ce papier ne peut supporter plus de pleurs,
Car desja tout mouillé il va changer d'essence,
Soyez, je vous suppli contente de ces vers,