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AMOUREUX

J’ay l’effroy dans le sang, la valeur dans le cœur,
Je bous de hardiesse, & je tremble de peur,
Sous les divers effets d’une force amoureuse.

J’ay le courage fier, j’ay l’ame desdaigneuse,
Je froisse sous mes pieds de l’amour le malheur,
J’ay le sang amoureux, le cœur plein de douceur
Benissant à part moy ma passion heureuse.

Tant de diversitez agitent ma pensee,
Lors que divinement d’un beau cachet pressee
Elle prend le patron de vos divinitez.

Voyez doncques Madame en moy vostre puissance,
Et changez pour loyer de ma perseverance :
En un but arresté tant de diversitez.


XXVIII.



Je vous donne mon cœur, non fay, rendez le moy,
Si je vivoy sans cœur je vivrois sans courage,
Et ainsi je serois comme une vaine image,
Sans valeur, sans desirs, sans puissance, sans foy.

Sans cœur on a tousjours dedans le sang l’effroy,
Je veux dont le ravoir, & encor davantage
Je veux le vostre aussi, vous estes assez sage
Pour vivre sans douleur, sans crainte, sans esmoy.

Ainsi ayant deux cœurs mes forces doubleront,
Les astres & le sort ma valeur douteront,
Et me lairont conduire heureux ma destinee.

Mais gardez-les tous deux, car j’en auray assez
Si vous aymez le mien, & l’aymant vous tracez
La vie qu’en vos yeux les cieux m’ont ordonnee.


XXIX.



Mes feux sont aussi doux que ma maistresse est belle
Mes celestes desirs esgalent ses beaux yeux,