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QUATORZIÈME AVENTURE.

mieux essayer de rentrer dans l’enclos pour me défendre du vilain. » Renart ne le fait pas répéter, il s’éloigne, à peu près certain qu’enfin son cher ami ne se tirera pas de là.

Primaut eut pourtant la force de débarrasser son avant-corps, comme le vilain arrivoit tenant une chandelle d’une main, un tronçon de lance de l’autre. Il essaie d’esquiver le coup, mais il n’y parvint qu’à demi ; de bonheur, la chandelle s’éteint. Primaut, dont l’œil est meilleur que ceux du vilain, en profite pour revenir sur son ennemi et pour le saisir comme il tentoit de ranimer les dernières lueurs. Le vilain, violemment mordu vers la partie basse du dos, pousse un long cri de détresse : « À moi ! bonnes gens ; au secours ! » Sa femme l’entend la première ; elle se lève, prend sa quenouille, arrive sur le lieu du combat et s’en vient frapper d’une main débile le cuir du loup. Vains efforts, Primaut garde sa proie. Il falloit alors entendre les clameurs des deux époux : « Au meurtre ! au voleur ! on m’étrangle ! on me tue ! les diables m’emportent ! » et cent malédictions.

La femme se décide à ouvrir la porte du courtil, dans l’espoir d’obtenir secours du dehors. Le loup profite de l’occasion, serre les dents, emporte un morceau du gras de la cuisse du vilain et gagne les champs à toutes jambes ; car le