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PRIMAUT ET LE CORPS-SAINT.

tu me montrois le chemin du lardoir, c’étoit pour laisser au vilain ma peau en gage ; tu m’indiquois tout à l’heure une bande d’oies, et tu comptois sur les chiens pour me faire déchirer. Maître fourbe ! vous êtes trop malin ; je vais une bonne fois payer toutes mes dettes. » Il lui pose alors sa furieuse patte sur le museau ; Renart fait un mouvement de côté, mais se sentant arrêté : « Sire Primaut, » dit-il, « vous abusez de votre force : les grands ne peuvent sans péché accabler ainsi les petits. J’irai me plaindre au Roi, à la Reine, à tous les pairs. Mais de grâce, au moins, écoutez ; vous verrez que je n’ai pas mérité votre colère. — Non, non ! point de pardon pour le traître, le félon, le scélérat ; tu ne mourras que de ma main. — Mais encore ! Songez-y bien, sire Primaut, si vous me tuez, vous aurez affaire à bien du monde. J’ai des fils, vous le savez ; j’ai des parents, de puissants amis ; il vous faudra compter avec eux ; et quand on saura que vous m’avez surpris à l’écart, assassiné, vous serez jugé à mort ou vous abandonnerez le pays. » Toutes ces paroles ne font qu’ajouter à la rage de Primaut.

Il saisit Renart par la nuque, le terrasse, le foule aux pieds, lui marche sur le ventre et le couvre de morsures. Renart meurt déjà de