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RENART ET LE BACON DU VILAIN.

Le vilain n’a pas fait dix pas à la poursuite de Renart qu’il se voit obligé de mettre bas sa charge de bacon, afin de courir plus vite. Il la dépose donc à terre, et ne songeoit plus qu’à joindre Renart dont la peau, pensoit-il, devoit lui rendre le prix du porc qu’il venoit d’acheter ; sans compter le tour du col qu’il garderoit pour engouler son manteau. Ysengrin suivoit par curiosité et sans trop d’espoir les mouvemens de Renart et du vilain ; mais quand il vit celui-ci abandonner son bacon, il pressa lui-même le pas, il descendit dans la plaine, emporta la précieuse charge, et revint d’où il étoit parti.

Pour le vilain, il se croyoit assuré de prendre le goupil quand il vit le loup retourner au bois avec son bacon : Renart, de son côté, n’avoit rien perdu des mouvemens d’Ysengrin, et cessant aussitôt de ramper péniblement, il partit comme un trait d’arbalète, laissant le vilain entre la bête qu’il vouloit prendre et le bacon qui lui étoit pris, s’arrachant les cheveux, maudissant Ysengrin, Renart et la convoitise qui l’avoit conduit à n’avoir ni l’écu ni la maille. C’est ainsi qu’il revint chez lui, assez bien persuadé qu’il avoit été ensorcelé.

Laissons maintenant le vilain, et retournons à nos deux amis. Ysengrin, à l’arrivée de Renart, étoit déjà repu : le reste du bacon il l’a-