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RENART ET LE BERGER.

reau, une vache et son veau ; il ne faut pas qu’ils nous échappent. Mais il seroit bon d’envoyer Renart en avant, pour éprouver s’il n’y auroit pas de mâtin ou de vilain à craindre : on ne sauroit prendre trop de précautions. — Vous parlez bien, » dit le Roi, « Renart est fin et rusé, il reconnoîtra mieux que personne les lieux. Allez donc en avant, Renart, et quand vous aurez vu, vous reviendrez nous avertir. — Volontiers, sire. »

Aussitôt de courir à travers champs : il arrive à portée de la proie. Le vilain, gardien du bétail, dormoit tranquillement sous un orme. Renart se coule tout auprès de lui, cherchant dans sa tête un moyen de s’en défaire. Sans le réveiller, il saisit une branche de l’arbre et saute rapidement plus haut : il va de branche en branche et s’arrête enfin précisément au-dessus de la tête du berger. Me sera-t-il permis de continuer ? Renart, comme un vrai salaud, se tourne, pousse et laisse tomber sur le vilain une large écuelle de fiente infecte. Le berger, sentant couler sur lui un pareil brouet, s’éveille en sursaut, porte la main à son visage humide, et ne devine pas comment pareille chose a pu tomber de l’arbre. Il lève les yeux et ne voit que des rameaux du plus beau vert du monde, car Renart s’étoit dérobé sous le plus épais du feuillage. La surprise du