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L’INSTRUCTION DU PROCÈS.

demander à l’accusateur de plus libres et de plus désintéressés. »

Par Dieu ! Seigneurs, » dit alors Brun l’ours, je ne saurais, comme juge, approuver les paroles que vous venez d’entendre. Il ne s’agit pas ici d’un personnage obscur, ordinaire : Monseigneur le Connétable a sans aucun doute le droit d’être cru sur parole. Oh ! si le plaignant étoit un mauvais garçon, un larron fossier, un briseur de chemins, l’appui de sa femme ne seroit pas à nos yeux d’un grand poids ; mais telle est l’autorité du nom d’Ysengrin qu’il devroit en être cru, quand il n’auroit d’autre garant de sa parole que lui-même. »

« Messire Brun, » dit à son tour Baucent, « a raison sans doute ; il n’est personne ici qui ne soit prêt à tout croire de ce qu’avancera Monseigneur Ysengrin. Mais, ici, la véritable difficulté sera de décider quel est le plus croyable de celui qui affirme ou de celui qui nie. Si vous dites que le meilleur baron est messire le Connétable, Renart répondra que pour ne pas occuper la même charge, il n’est pas moins loial ni moins digne de confiance. Il ne faut pas ici considérer le mérite ou la dignité de la personne ; autrement, voyez ce qui arriveroit : chacun pourroit faire clameur, en offrant sa femme pour garant. On diroit :