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L’INSTRUCTION DU PROCÈS.

sa grâce, ne s’est pas fait beaucoup d’honneur en riant en dessous de la clameur d’Ysengrin, et en prenant le parti d’un vil et méprisable flatteur tel que Renart. Laissez-moi, Seigneurs, à ce propos, vous raconter comment je fus un jour trompé moi-même par cet insigne fripon. L’histoire n’en sera pas longue.

Renart avoit fait la découverte d’un grand village nouvellement bâti : il avoit sur la lisière du bois reconnu la maison d’un vilain abondamment garnie de bestiaux et de provisions : c’est elle qu’il choisit pour but de ses courses de nuit. Tous les jours il rentroit à Maupertuis avec une de ces pauvres bêtes, après en avoir mangé sur les lieux une autre. Cela dura un mois entier. Enfin, le vilain, par voie de représailles, disposa ses chiens, cacha, dans les chemins et dans chacune des allées du bois, toute sorte de pièges, collets, regibeaux, bourjons, filets et trébuchets ; si bien que Renart serré de près n’osa plus de quelque temps sortir du couvert et prendre le chemin de la ferme.

« Mais alors il se souvint que ma grande prestance et mon allure imposante me faisoient partout reconnoitre, tandis que sa taille courte et menue lui permettoit d’échapper. Il pensa que si l’on nous surprenoit de com-