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RENART SOUS LES PEAUX.

le premier et plus fort que les autres. « Oui, mes seigneurs, voilà, par saint Lambert, comment le goupil en use avec nous depuis longtemps. N’y pensons plus, et ne songez qu’à bien vous reposer. »

Le père et les trois frères, les mains l’une dans l’autre, montent les degrés de la salle, et le premier objet qu’ils voient en entrant est le nain qui les avoit accompagnés. À vrai dire on eût pu le prendre pour un démon : bossu par devant et derrière, les pieds tordus, les hanches écrasées, deux courtes branches de pin au lieu de bras que le quart d’une aune de serge suffisoit pour couvrir ; la bouche contournée, les lèvres assez relevées pour donner passage à un pied de veau ; les dents de la couleur d’un jaune d’œuf, le nez long d’un demi-pouce, des yeux de chien, des cheveux noirs comme de l’encre et les oreilles d’une chèvre. Il étoit occupé à tresser un chapeau avec des brins de fenouil ; il s’interrompit pour regarder de travers ceux qui entroient. « Nain, Dieu te garde ! » dit le Chevalier. Au lieu de répondre, il branla la tête et fit entendre un grognement.

Pour offrir un contraste avec cette hideuse créature paroit Madame Florie qui fait aux nouveaux venus le plus gracieux accueil. On rit, on échange des paroles courtoises et plaisantes jusqu’à l’heure du manger. Cependant les nap-