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QUARANTE-HUITIÈME AVENTURE.

pes sont mises, et sur la table le pain et le sel. On donne à laver à chacun, on prend place à table. Je ne décrirai pas les mets ni les vins. Il y eut sanglier empoivré, bons lardés de cerf, excellens pâtés de chapons, le tout arrosé de vins d’Orléans et d’Auxerre. Pendant qu’ils mangeoient, on remarqua que les brachets levoient la téte, l’œil inquiet, la bouche haletante, comme s’ils eussent senti quelque proie vivante.

Le Chevalier s’adressant alors à son veneur : « Ami, » dit-il, « apprends-moi, je te prie, combien nous avons de peaux de goupil. — Vous en avez neuf. — Neuf ? diable ! moi j’en vois dix, et je ne comprends pas ces brachets qui jappent si fort après elles. » Le Veneur s’approche alors des peaux ; l’une semble respirer et respiroit en effet, car c’étoit Renart lui-même, en os, en chair et en peau ; il pendoit au plus caché des ardillons destinés à réunir les pelisses de ses pareils ; il s’y retenoit des dents et des pieds de devant. Le veneur le reconnoît : « Ah ! par saint Léonart, c’est en vérité le goupil qui se trouve là dans la compagnie de ces peaux, et voilà pourquoi les chiens glapissent. Un instant, et je vous l’amène. »

Il lève alors la main vers les ardillons, arrive à Renart qu’il essaie de prendre ; mais l’au-