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DROUINEAU ET MORHOU.

un mâtin efflanqué, triste et mourant de faim. Il avance tout près de lui : « Hé ! Morhou, comment te trouves-tu là ? — Fort mal, Drouineau, je n’ai plus de voix ni de jambes. Voilà deux jours que, par la ladrerie du vilain que je sers, je n’ai rien mangé. — C’est qu’il a trouvé le diable dans sa bourse. Mais écoute-moi, cher ami : si tu veux faire une chose que je te dirai, je puis t’assurer que tu en seras payé mieux que ne feroit le meilleur vilain du monde.

— Si tu fais en sorte que je mange assez pour reprendre des forces et sentir mon cœur, tu me verras prêt à entreprendre ce qu’il te plaira de demander. Je ne suis pas glorieux, mais, quand je me portois bien, il n’y avoit pas dans les bois, de loup, de cerf, de daim ou de sanglier qui pût espérer de m’échapper. Que je fasse un seul bon repas, et je redeviendrai, sois-en sûr, tout aussi fort, tout aussi leste que je le fus jamais.

— Mon bon Morhou, » répond Drouineau, « vous aurez plus que vous ne pourrez manger ; vous en laisserez. — De quoi s’agit-il ? tu veux, n’est-ce pas, te venger de quelqu’un ? — Oui, Morhou ; le méchant roux de Renart a tué, a mangé mes enfans en trahison ; si j’en étois vengé, je ne demanderois plus rien au monde. — Eh bien ! je m’engage à te