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DEUXIÈME AVENTURE.

à leur effroi, il les rejoint la plume abaissée, le col tendu. Alors, d’un ton de reproche et de mécontentement : « Pourquoi cette presse à regagner la maison ? Êtes-vous folles ? » Pinte, la meilleure tête de la troupe, celle qui pond les plus gros œufs, se charge de la réponse : « C’est que nous avons eu bien peur. — Et de quoi ? Est-ce au moins de quelque chose ? — Oui. — Voyons. — C’est d’une bête des bois qui pouvoit nous mettre en mauvais point. — Allons ! » dit le coq, « ce n’est rien apparemment ; restez, je réponds de tout. — Oh ! tenez » cria Pinte, « je viens encore de l’apercevoir. — Vous ? — Oui ; au moins ai-je vu remuer la haie et trembler les feuilles de chou sous lesquelles il se tient caché. — Taisez-vous, sotte que vous êtes », dit fièrement Chantecler, « comment un goupil, un putois même pourroit-il entrer ici : la haie n’est-elle pas trop serrée ? Dormez tranquilles ; après tout, je suis là pour vous défendre. »

Chantecler dit, et s’en va gratter un fumier qui sembloit l’intéresser vivement. Cependant, les paroles de Pinte lui revenoient, et sans savoir ce qui lui pendoit à l’œil, il affectoit une tranquillité qu’il n’avoit pas. Il monte sur la pointe d’un toit, là, un œil ouvert et l’autre clos, un pied crochu et l’autre droit, il observe et