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CONDAMNATION DE RENART.

heureusement mon pélerinage, si j’emportois en Syrie un gage de votre amitié ! »

La Reine alors détacha l’anneau de son doigt et le lui tendit. Renart prit à peine soin de l’en remercier, mais il dit entre ses dents : « Cet anneau, je ne le rendrois pour rien au monde ; » et l’ayant passé à son doigt, il avoit reçu, comme on a vu, congé de toute la Cour et piqué des éperons. Il fut bientôt près de la haie où la crainte retenoit encore damp Couart le lièvre ; Couart se voyant découvert et n’osant essayer de fuir lui dit d’une voix tremblante : « Damp Renart, Dieu vous donne bon jour ! Je suis bien content de vous revoir en bon point : c’étoit un grand deuil pour moi que les ennuis dont on vous accabloit tout à l’heure. — Vraiment, Couart, notre ennui vous affligeoit ! Ah ! mon Dieu, la bonne âme ! Eh bien, si vous avez eu pitié de notre corps, je suis heureux de pouvoir me régaler du vôtre. » Couart entend ces terribles paroles ; il veut s’échapper, il étoit trop tard : Renart le saisit aux oreilles : « Par le corbieu, sire Couart, vous n’irez pas plus loin seul ; vous viendrez avec moi, de bon ou mauvais gré ; je veux vous présenter ce soir à mes enfans qui vous feront bonne fête. » Et disant cela, il l’étourdit d’un coup de son bourdon.