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CONDAMNATION DE RENART.

dont peu s’en est fallu qu’il ne demeurât victime. « Grand Dieu ! » s’écrie Noble, « malheur à moi d’avoir compté sur le repentir de ce larron infâme. Sus, barons ! courez à lui ; et s’il échappe, je ne le vous pardonnerai de ma vie : j’accorde franchise et noblesse à tous les enfans de ceux qui me l’ameneront. »

Il falloit voir alors monter à cheval et piquer des deux éperons, pèle-mèle, sire Ysengrin, Brun l’ours, Tybert le chat, Belin le mouton, Pelé le rat, Chantecler le coq, Pinte la geline et ses sœurs, Ferrant le roncin, Rooniaus le mâtin, Blanchart le chevreuil, Tiecelin le corbeau, Frobert le grillon, Petitpourchas le furet, Baucent le sanglier, Bruyant le taureau, Brichemer le cerf, et Tardif le limaçon, chargé de porter l’oriflamme et de leur montrer à tous la route. Renart les voit accourir et reconnoit aisément l’enseigne développée. Sans perdre un moment, il se précipite dans une grotte ; les bataillons ennemis l’y suivent de près : il entend déjà les cris de victoire autour de lui. « Maudit roux ! tes jambes ne te sauveront pas : il n’y a plessis, murs, fossés, fourré, barrière, château, donjon ou forteresse qui te garantisse. » Accablé d’une extrême lassitude, l’écume lui couvre la bouche, et sa pelisse n’est plus à l’abri de la morsure des plus