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DÉBAT DE RENART ET YSENGRIN.

étoit tombée entre tes mains, et que tu avois la garde du vin. J’allai dans le cellier, mauvais traître ; tu me regalas les oreilles de mauvaises chansons, et j’eus, grace à toi, les côtes rouées de coups.

— Pour cela, » dit Renart, « je m’en souviens, et les choses se sont autrement passées. Tu te laissas prendre à la plus honteuse ivresse ; tu voulus chanter les heures canoniales, et tu fis un tel bruit que tous les gens du village accoururent. Je n’avois pas, comme toi, perdu la raison ; quand je les vis approcher, je m’éloignai. Me fera-t-on un crime d’avoir su garder mon bon sens ? Si tu te laissas battre, en suis-je responsable. Qui cherche mal, mal lui vient, on l’a dit pour la première fois il y a long temps.

— C’est encore apparemment par l’envie de m’être agréable qu’un jour, avec de l’eau bouillante, tu me traças une couronne qui me mit la tête à nud et m’enleva toute la fourrure des joues ? Une autre fois, tu m’offris la moitié d’une anguille que tu avois larronnée, mais pour me faire donner dans un nouveau piége. Je m’enquis où tu l’avois trouvée ; c’étoit à t’entendre sur une charrette qui en étoit tellement encombrée que les conducteurs vouloient en jeter une partie pour alleger les chevaux. Ils t’avoient même