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DEUXIÈME AVENTURE.

J’étois contraint à m’en affubler ; la bordure avoit la blancheur et la dureté de l’ivoire ; la fourrure étoit en dehors, on me la passoit en sens contraire, et comme j’essayois de m’en débarrasser, je tressaillis et me réveillai. Dites-moi, vous qui êtes sage, ce qu’il faut penser de tout cela. »

« Eh bien tout cela, » dit sérieusement Pinte, « n’est que songe, et tout songe, dit-on, est mensonge. Cependant je crois deviner ce que le vôtre peut annoncer. L’objet porteur d’une rousse pelisse n’est autre que le goupil, qui voudra vous en affubler. Dans la bordure semblable à des grains d’ivoire, je reconnois les dents blanches dont vous sentirez la solidité. L’encolure si étroite de la pelisse c’est le gosier de la méchante bête ; par elle passerez-vous et pourrez-vous de votre tête toucher la queue dont la fourrure sera en dehors. Voilà le sens de votre songe ; et tout cela pourra bien vous arriver avant midi. N’attendez donc pas, croyez-moi ; lâchons tous le pied, car je vous le répète, il est là, là dans ce buisson, épiant le moment de vous happer. »

Mais Chantecler, entièrement réveillé, avoit repris sa première confiance. « Pinte, ma mie », dit-il, « voilà de vos terreurs, et votre faiblesse ordinaire. Comment pouvez-vous