Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/344

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
328
NOUVELLE ÉTUDE

chansons de geste ou légendes pieuses, aient de bonne heure cherché, dans les poésies latines dont les clercs se délectoient, une nouvelle source de contes agréables et de récits populaires. L’épreuve heureusement faite, ce fut à qui se fourniroit dans ce fécond arsenal, à qui sur le tronc latin grefferoit de nouvelles branches et dresseroit de nouveaux rejetons.

Je sais bien que nos trouvères, tout en ne réclamant jamais le mérite de l’invention, étoient de grands inventeurs ; et que sans le vouloir et sans le chercher, ils ne manquoient pas de donner à tous les sujets qu’ils venoient à traiter une forme inattendue ; mais je ne vois pas de quel droit on refuseroit la même faculté d’invention et de transformation aux clercs de l’Université, aux latinistes, qui avoient assurément précédé les trouvères ; car enfin ces latinistes avoient essayé toutes les formes de la composition, longtemps avant que les trouvères et les jongleurs débitassent autre chose que des chansons de geste et des légendes de saints. Élégies, épitres, dialogues, satyres, poëmes héroïques, tout étoit de leur domaine, même avant le neuvième siècle. Comment alors ne pas admettre qu’ils aient également essayé l’imitation des anciens apologues et tiré, les premiers, de ce fonds commun des poésies nouvelles ?

Une création qui, dans tous les cas, ne doit rien à l’Antiquité, et qui fut généralement admise dans les domaines de la fiction littéraire, c’est l’antagonisme et la guerre du goupil appelé Renart, contre le loup appelé Ysengrin. Je ne pense pas qu’on en ait trouvé la trace bien caractérisée avant la