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SUR LE ROMAN DE RENART.

nelle. Cela, parce que le duc sicilien auroit redouté le passage des pelerins à travers ses domaines, et parce que le Pape, alléché par l’or de ce prince, auroit déterminé les croisés à prendre le chemin de Grèce…. Malheureuse ! tu ignores donc les vrais motifs de la conduite de ce bon pape ? Je vais te les dire : Le vil peuple avoit l’habitude de rogner les pièces de monnoie ; il osoit couper en deux la croix dont elles sont marquées. C’étoit un péché mortel dont le pape gémissoit plus que personne. Si donc il a pris l’or sicilien, l’or des rois de France, d’Angleterre et de Danemark, ce fut pour ôter les occasions de péché. En attirant dans son épargne tant de pièces qui dès lors n’étoient plus en danger d’être coupées, il a diminué autant qu’il dépendoit de lui les occasions de profaner le signe de notre salut. Voilà pourquoi il a pris l’argent sicilien, et dans le même esprit de piété, il eût volontiers pris tout l’argent du monde. Non qu’il convoite le métal, rouge ou blanc, mais par charité pour le salut du troupeau qui lui est confié[1]. »

Ces indications chronologiques, dont on ne contestera pas la précision, sont confirmées par d’autres passages où l’auteur, moine de l’abbaye d’Egmont,

  1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Papa dolosus
             Christicolas siculo vendidit aere duci.
    Proh pudor in cœlo ! dolor orbe ! cachinnus Averno !
             Regna duo monachus subruit unus iners….
    Christicolae populi collectas novimus iras
             Barbariem contra concaluisse procul.
    Hic satis est nostras rumor perlatus ad aures,
             Felicemque homines creditur isse viam….
    Præscio quid penses ; sceleris damnare dolique
             Pontificem latiam, perfida porca, cupis.