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QUATRIÈME AVENTURE.

pieds de Renart. Le glouton frémit alors de plaisir ; mais il se contient, dans l’espoir de réunir au fromage le vaniteux chanteur. « Ah ! Dieu, » dit-il en paroissant faire un effort pour se lever, « que de maux le Seigneur m’a envoyés en ce monde ! Voilà que je ne puis changer de place, tant je souffre du genou ; et ce fromage qui vient de tomber m’apporte une odeur infecte et insupportable. Rien de plus dangereux que cette odeur pour les blessures des jambes ; les médecins me l’avoient bien dit, en me recommandant de ne jamais en goûter. Descendez, je vous prie, mon cher Tiecelin, venez m’ôter cette abomination. Je ne vous demanderois pas ce petit service, si je ne m’étois l’autre jour rompu la jambe dans un maudit piége tendu à quelques pas d’ici. Je suis condamné à demeurer à cette place jusqu’à ce qu’une bonne emplâtre vienne commencer ma guérison. »

Comment se méfier de telles paroles accompagnées de toutes sortes de grimaces douloureuses, Tiecelin d’ailleurs étoit dans les meilleures dispositions pour celui qui venoit enfin de reconnoître l’agrément de sa voix. Il descendit donc de l’arbre ; mais une fois à terre le voisinage de Renart le fit réfléchir. Il avança pas à pas, l’œil au guet, et en se trainant sur