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HUITIÈME AVENTURE.

— Voilà du nouveau pour moi. Mais enfin cela ne doit pas vous empêcher de m’ouvrir et de m’accorder gîte pour cette nuit.

— Je le voudrois bien ; par malheur, il faut, pour entrer, être ordonné moine ou hermite. Vous ne l’êtes pas ; bon soir ! passez votre chemin.

— Ah ! voilà de méchants moines ; je ne les reconnois pas à leur charité : mais j’entrerai malgré vous. Non ! la porte est trop forte, et la fenêtre est barrée. Compère Renart, vous avez parlé de poisson, je ne connois pas cette viande. Est-elle bonne ? Pourrois-je en avoir un seul morceau, simplement pour en goûter ?

— Très volontiers, et bénie soit notre pêche aux anguilles, si vous en voulez bien manger. » Il prend alors sur la braise deux tronçons parfaitement grillés, mange le premier et porte l’autre à son compère. « Tenez, bel oncle, approchez ; nos frères vous envoient cela, dans l’espoir que vous serez bientôt des nôtres.

— J’y penserai, cela pourra bien être ; mais pour Dieu ! donnez, en attendant.

— Voici. Eh bien, que vous semble ?

— Mais c’est le meilleur manger du monde. Quel goût, quelle saveur ! je me sens bien près de ma conversion. Ne pourriez-vous m’en donner un second morceau ?