Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
NEUVIÈME AVENTURE.

Il apperçoit le loup arrêté par la queue dans la glace, et le derrière ensanglanté. « Ohé ! ohé ! le loup ! » Les veneurs avertis accourent avec d’autres chiens, et cependant Ysengrin entend Constant des Granges donner l’ordre de les délier. Les braconniers obéissent ; leurs brachets s’attachent au loup qui, la pelisse hérissée, se dispose à faire bonne défense. Il mord les uns, retient les autres à distance. Alors messire Constant descend de cheval, approche l’épée au poing et pense couper Ysengrin en deux. Mais le coup porte à faux ; messire Constant, ébranlé lui-même, tombe sur la tête et se relève à grand peine. Il revient à la charge, vise la tête, le coup glisse et le glaive descend sur la queue qu’elle emporte toute entière. Ysengrin, surmontant une douleur aigue, fait un effort suprême et s’élance au milieu des chiens qui s’écartent pour lui ouvrir passage et courir aussitôt à sa poursuite. Malgré la meute entière acharnée sur ses traces, il gagne une hauteur d’où il les défie. Brachets et lévriers tous alors renoncent à leur chasse. Ysengrin entre au logis, plaignant la longue et riche queue qu’il s’est vu contraint de laisser en gage, et jurant de tirer vengeance de Renart, qu’il commence à soupçonner de lui avoir malicieusement ménagé toutes ces fâcheuses aventures.