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DIXIÈME AVENTURE.

et le plus avide, en brise la fermeture : ils y trouvent du pain, du vin et de bonnes viandes. « Dieu soit loué ! » dit Primaut, « cela vaut encore mieux que les oublies ; et nous avons de quoi faire un excellent repas. Tiens, Renart, va prendre la nappe de l’autel, étends-la ici et apporte-nous du sel. L’honnête homme que ce prêtre, pour avoir si bien garni la huche ! Voilà tout préparé ; mangeons ce que Dieu nous envoie. »

Parlant ainsi, Primaut tiroit les provisions. Elles furent posées sur la nappe, et, tranquilles comme dans leur propre demeure, les deux compagnons s’assirent et mangèrent à qui mieux mieux.

Mais si Renart ne jouoit pas un mauvais tour à Primaut, il en auroit une honte mortelle. « Cher ami, » dit-il, « je suis ravi de vous voir en si bon point. Versez et buvez, nous n’avons personne à craindre. Oui, buvons, » répond Primaut, « il y a du vin pour trois. » Cependant, à force de hausser le bras, la tête de damp Primaut s’embarrasse, et Renart, tout en se ménageant, continuoit à l’exciter. « Çà, » disoit-il, « nous ne faisons rien ; vous buvez à trop petits coups, je ne vous reconnois pas. — Comment  ! je lampe sans arrêter, » répond l’autre en bégayant. « Fais-moi raison, mon cher, mon bon ami