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LXXXIIII.



Ulysse s'embarquant pour retourner en Grece,
Delaissa Calipson de son amour blessee :
Qui deçà, qui delà, forcenoit incensee,
Arrachant à plein poin l'or de sa blonde tresse :

Criant dessus le port ô Ciprine Deesse,
O toy cruel amour qui m'as plus offencee,
Vengez moy du meschant & de la foy faussee,
Engloutissant dans l'eau sa nef & sa promesse.

Puis ô nom de Venus dressant un sacrifice,
Trois fois dessus l'autel conjura la Mellice,
Luy ostant sa vertu & sa premiere force :

Tellement qu'en mon mal n'y a racine ou huille,
Breuvage ny anneau qui ne soit inutile,
Car en les appliquant ma douleur se renforce.


LXXXV.



Qui sera le Chiron, le Mercure, ou l'Achille,
Qui pourra hors de moy la poison arracher,
Que pour me suffoquer cest homicide archer
Me darda des beaux yeux de ma docte Sibille ?

Qui me radressera un secong Logistile,
Qui cerchera la plante au coupeau d'un rocher,
Qui pourra dextrement le canal retrencher,
Qui traistre par mon œil dans mon ame distille.

Les plus rares secrets de l'art Chironien,
Ny les vers enchantez ne me servent en rien,
Car mon mal est si grand que Nature luy cede.

Celuy qui m'a blessé fait son sejour aux Cieux
Et nul n'a descouvert les mysteres des Dieux :
De tout mal incogneu occulte est le remede.