Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/133

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XC.


Je voudrois comme un Dieu dans le Ciel avoir place,
Affin de vivre là exempt d’affections,
Affin de refrener toutes mes passions,
Et bref ne rien sentir de la mortelle race.

J’argenterois son poil, je ternirois sa face,
Je riderois son front : & les afflictions
Qu’elle m’a fait sentir pour ses perfections,
Me serviroient encore à dompter son audace.

Hors de mon estomac je banirois le feu,
Qui caché dans mes os me seiche peu à peu,
Et vaincrois le vainqueur qui me poursuit sans cesse.

Pardonne moy Telie helas je m’en desdis,
Pardonne moy Amour je ne sçay que je dis,
Je ne le voudrois pas s’elle n’estoit Deesse.


XCI.


Je voy certainement qu’il faut que je trespasse,
Car les traits eslancez de ton homicide œil,
Ne me presagent rien qu’un enfouï cercueil,
Compagnon de la Mort qui ma gloire terrasse.

Quand je voy ce beau tint qui le tint messme efface
Des plus rares beautez, je n’espers en mon deuil :
Afin qu’un marinier effondré d’un escueil,
Qui muet leve aux Cieux & les mains & la face.

Tu causes deux effects en moy tous discordans,
Car tu brusles mon cueur de deux tisons ardans,
Puis tu remplis mes os & mon ame de glace :

Je sçay bien le danger qu’enfante mon tourment,
Je te cuide prier pour mon soulagement,
Mais helas ta beauté surmonte mon audace.