Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/93

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X.


Comme on voit en esté une bruiante nue,
Que le roide Aquilon va parmy l'air roulant :
Pleine de tous costez se crever grommelant,
Et vomir le discort qui la rendoit esmeue :

Tantost embraser l'air d'une flame incogneue,
Tantost semer la gresle, & d'un tour violent,
Rouer un tourbillon qui noir se devallant,
Enveloppe le chef d'une roche chenue.

Ainsi mon estomac comblé d'amoureux feu,
Qui de tes chauds regards croist tousjours peu à peu,
Veut vomir la douleur qui le brusle & l'entame :

O beaux cheveux, bel œil, ô glace, ô flame, au-moins,
Puis qu'avez pris, espris, gelé, bruslé mon ame :
Cognoissez mon amour dont mes maux sont tesmoins.


XI.



D'une incroyable amour, d'un desir, d'une crainte,
La chaleur, l'esguillon, & la morne froideur,
A languir, s'esgarer, & geler en l'ardeur,
Sourde, aveugle, & muette, ont mon ame contrainte.

Je n'ose descouvrir mon affection sainte,
Bruslé, point, & glacé, je couve mon mal-heur,
Et taschant d'amoindrir l'effort de ma douelur,
Je deçoy ma raison par une fable feinte.

Helas mon cher Soleil, cognois donc mon esmoy,
Mon desir, & ma peur, prenant pitié de moy,
Comme d'un criminel, qui gesné par le cable

Sent l'angoisseux tourment, & ne s'ose escrier :
Car je suis à la chaisne, & ne t'ose prier,
Toy qui peux seule oster la douleur qui m'acable.