Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/97

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XVIII.


M'as-tu espouvé tel que ce Troyen parjure,
Qui fuyant le tranchant des Gregeois coutelas,
Fut receu de Didon triste, affamé, & las,
Cerchant parmy les flots sa chetive avanture.

Ay-je pour te tromper controuvé quelque augure,
Ay-je feint qu'en songeant le cher nepveu d'Atlas,
M'ait chanté mon destin : & t'ay-je encor (helas,)
Payee ainsi que luy de mainte & mainte injure.

Non, non, (ô sort cruel) tu m'as trouvé ce Roy,
Cest Hiarbe loyal qui l'ayma plus que soy,
Et qui sous elle avoit sa puissance asservie :

Mais toy en ton mal-heur ainsi qu'elle obstinee,
Tu refuses mon vœu pour celui d'un Ænee :
Qui laschera au vent ton honneur & ta vie.


XIX.


Si l'Amour la brusla d'une flame secrette,
Pour le fard qui ornoit ce Phrigien soldart?
Si Venus sceut briser son fidelle rampart,
Pour la faire imiter la colchide indiscrette?

S'il luy est advenu comme à celle de Crette,
Qui rapelloit en vain son Thesse à l'escart :
Sentant au cueur le coup de l'homicide dart,
Et l'erreur du sommeil qu'encore elle regrette?

Qui peut-elle accuser de son mal ourdisseur,
Ou son œil trop suptil, ou Ænee , ou sa sœur :
Les deux n'en pouvoient mes, l’œil seul l'avoit guidee.

Elle ne devoit donc Hyarbe refuser :
Tu ne dois me fuyant d'un autre t'abuser,
De peur d'estre Didon, Ariadne, & Medee.