Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/99

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XXII.



Le vautour affamé qui du vieil Promethee
Becquete sans repos le poulmon renaissant :
Et le vaze maudit ou le Dieu punissant
Envoya noz mal-heurs au fol Epimethee :

Celuy par qui amont est la pierre portee,
Celuy qui altéré vit dans l'eau languissant,
Celles qui vont en vain leurs cuves ramplissant,
Ce n'est que fiction à plaisir rapportee.

Les amours d'Hercules & sa bruslante mort,
Le pipeur qui les sœurs déshonora si fort,
Te font avoir pitié d'une menteuse fable.

Mais las bouchant les yeux en mon affliction,
Tu feins de n'en rien voir : & sans compassion,
Tu tiens pour fabuleux mon tourment veritable.


XXIII.



Puisse en despit du Ciel, & du grand Jupiter,
Des Signes, du Soleil, des Astres, de la Lune,
De Nature, de l'art, du destin, de fortune,
D'Amour, des Elements, mon tourment s'irriter.

Que les vents enragez facent precipiter
Les estoilles du Ciel dans la mer une à une,
Que Phœbus & Phœbé rendent sa face brune,
Et que son foudre mesme il ne puisse eviter.

Naisse à chaque moment mon amoureux martire,
Mes souspirs, & mes pleurs, ton desdain, & ton ire,
Mon dueil, & ton soupçon, ta crainte, & mon desir.

Du Ciel, & du destin, la fureur inhumaine,
Ne me feront quitter le sujet de ma peine,
Car de tous leurs effors renaistra mon plaisir.