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Voyages Aduentureux

par ignorance, qu’il eſtoit bien-aiſe de l’en aduertir, afin qu’il s’en allaſt incontinent auant l’arriuée du Mandarin de l’armée, que nous appellons General, à qui appartenoit le gouuernement de cette peſcherie ; qu’au reſte il ne pouuoit tarder au plus que trois ou quatre iours, & qu’il n’eſtoit allé que pour prendre des viures à vn village qui eſtoit à ſix ou ſept lieuës de-là, nommé Buhaquirim. Antonio de Faria le remercia de ſon bon aduis, luy demandant combien de voiles, & quelles gens auoit le Mandarin auec luy ? A quoy ce vieillard fit reſponſe qu’il eſtoit accompagné de quarante grands Iuncos, & vingt-cinq Vancons de rame, dans leſquels il y auoit ſept mille hommes, à ſçauoir cinq mille combattans, & le ſurplus gens de chiourme & de marine, & que cette flotte eſtoit là tous les ans ſix mois, pendant lequel temps l’on faiſoit la peſche des perles, à ſçauoir depuis le premier de Mars, iuſques au dernier d’Aouſt. Noſtre Capitaine deſirant ſçauoir quels droicts l’on payoit de cette peſche, & quel reuenu elle rendoit en ces ſix mois ; le Vieillard luy dit, que des perles qui peſoient plus de cinq caras, l’on donnoit les deux tiers, des plus baſſes la moitié moins, & de la ſemence le tiers, & que ce reuenu n’eſtoit pas tousiours égal ny aſſeuré, à cauſe que la peſche eſtoit ſouuent meilleure en vne année qu’en l’autre ; mais qu’il luy ſembloit que l’vn portant l’autre, cela pouuoit valoir quatre cent mille Taeis. Antonio de Faria careſſa fort ce Vieillard, pour ce qu’il deſiroit ſçauoir de luy toutes les particularitez, & luy fiſt donner deux pains de cire, vn ſac de poivre, & vne dent d’yuoire, dequoy luy & tous les autres demeurerent fort ſatisfaicts. Il leur demanda auſſi de quelle grandeur eſtoit cette Iſle d’Ainam, de laquelle l’on diſoit tant de merueilles ? Dictes nous, reſpondirent-ils, premierement qui vous eſtes, & ce que vous venez faire en ce pays, puis nous ſatisferons à ce que vous deſirez ? par ce que nous vous iurons en foy de verité, que iamais en iour de noſtre vie nous ne viſmes tant de ieunes gens dãs des Nauires Marchãds, cõme nous en voyõs à preſent auec vous, ny ſi bien polis & bien traitez, car il nous sẽble qu’en leur pays les ſoyes de la Chine ſoiẽs à ſi bon mar-