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Voyages Aduentureux

monta en haut s’aydant des cordages du Iunco, ſans auoir eſté apperceu de perſonne iuſques alors, & y treuuant ſix ou ſept Mariniers Chinois tous endormis, il les fit prendre & lier pieds & mains, & les menaça que s’ils crioient, il les tuëroit tous ; tellement que la grande peur qu’ils eurent, les empeſcha de parler. Alors coupant les deux cables qui tenoient anchré le vaiſſeau, il fit voile le plus promptement qu’il luy fut poſſible, ſortant hors de la riuiere, & la coſtoyant tout le temps qui luy reſtoit de la nuict, touſiours la prouë à la mer. Le lendemain il arriua à vne Iſle nommée Pullo Quirim, eloignée du lieu d’où il eſtoit party de neuf lieuës. Là Dieu nous aydant par vn petit vent de poupe, trois iours apres nous allaſmes anchrer à vne Iſle nommée Luxitay, en laquelle il nous fut neceſſaire pour la gueriſon des malades, de ſeiourner quinze iours, tant à cauſe qu’elle eſtoit de bon air, & qu’il y auoit de bonne eau, comme auſſi pour quelques rafraiſchiſſements que les peſcheurs nous apportoient en eſchange de riz. En ce lieu le Iunco fut visité, & n’y fut treuué autre marchandiſe que du riz, que dans ce port de Xamoy ils vendoient, dont la plus grande part fut par nous iettée dãs la mer, afin que le Iunco en fut plus leger & plus aſſeuré pour noſtre voyage, puis nous changeaſmes l’équipage du Iunco dans la Lanteaa, & la miſmes en terre pour la calfeutrer, à cauſe qu’il nous eſtoit neceſſaire pour faire noſtre prouiſion d’eau aux ports où nous entrions, & en ce faiſant nous paſſaſmes (comme i’ay deſia dit) quinze iours dans cette Iſle, pendant lequel temps les malades recouurerent leur entiere gueriſon, puis nous en partiſmes pour aller vers Liampoo, d’où nous auions nouuelles qu’il y auoit force Portugais arriuez de Malaca, Sunda, Siam & de Patane, qui tous les ans en ce meſme temps y ſouloient venir hyuerner.