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Voyages Aduentureux




Comme Antonio de Faria partit de cette riuiere de Tinlau, pour s’en aller à Liampoo, & du mauuais ſuccés qu’il euſt en cette nauigation.


Chapitre LXI.



Apres qu’Antonio de Faria euſt eſté en cette riuiere de Tinlau vingt-quatre iours, durant leſquels tous les bleſſez furent gueris, il partit pour s’en aller droit à Liampoo, où il faiſoit deſſein de paſſer l’hyuer, afin qu’à l’entrée du Printemps il pût faire le voyage des mines de Quoanjaparu, comme il auoit reſolu auec Quiay Panjan, qui eſtoit le Corſaire Chinois qu’il auoit en ſa compagnie ; mais comme il eut aduancé iuſqu’à la pointe de Micuy, qui eſt à vingt ſix degrez de hauteur, il ſuruint vne ſi grande tempeſte vers le Nord oüeſt, que les Pilotes furent d’aduis d’amener le trinquet, pour ne retourner arrierre de leur route. Dauantage ce mauuais temps ſe chargea ſi fort ſur l’apreſdinée à force de pluye, & la mer ſe groſſit de telle ſorte, que les deux Lanteaas de rame n’en pûrent ſouffrir la violence ; tellement qu’elles retournerent ſur le ſoir vers terre, à deſſein de gagner la riuiere Xilendau, qui eſtoit à vne lieuë & demie de là. Alors Antonio de Faria apprehendant qu’il ne luy arriua quelque malheur, fiſt leuer les rames le plus promptement qu’il puſt, & ſuiuit ſa route auec cinq ou ſix pans de voile ſeulement, tant pour ne les ſurpaſſer, qu’à cauſe de l’impetuoſité du vent qui eſtoit ſi grande, que les Nauires n’en pouuoient porter dauantage. Cependant comme la nuit eſtoit fort obſcure, & les vagues pouſſées les vnes contre les autres, ils ne pûrent iamais reconnoiſtre vn banc de ſable, qui eſtoit entre l’Iſle & la pointe d’vn rocher ; de maniere que paſſant par deſſus il les chocqua ſi rudement, que la ſoubre-quille creua par trois ou quatre endroits, auec vn peu de la quille d’embas. Vn Canonnier voulant alors mettre le feu à vn fauconneau, afin