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les bois. Les uns demeuraient dans les cavernes, et les autres firent plusieurs souterrains, du nombre desquels est celui-ci. Ayant ensuite eu le bonheur de chasser d’Espagne leurs ennemis, ils retournèrent dans les villes. Depuis ce temps-là leurs retraites ont servi d’asile aux gens de notre profession. Il est vrai que la sainte Hermandad en a découvert et détruit quelques-unes, mais il en reste encore ; et, grâce au ciel, il y a près de quinze années que j’habite impunément celle-ci. Je m’appelle le capitaine Rolando. Je suis chef de la compagnie ; et l’homme que tu as vu avec moi est un de mes cavaliers.


CHAPITRE V

De l’arrivée de plusieurs autres voleurs dans le souterrain, et de l’agréable conversation qu’ils eurent tous ensemble.


Comme le seigneur Rolando achevait de parler de cette sorte, il parut dans le salon six nouveaux visages. C’était le lieutenant avec cinq hommes de la troupe qui revenaient chargés du butin. Ils apportaient deux mannequins remplis de sucre, de cannelle, de poivre, de figues, d’amandes et de raisins secs. Le lieutenant adressa la parole au capitaine, et lui dit qu’il venait d’enlever ces mannequins à un épicier de Benavente, dont il avait aussi pris le mulet. Après qu’il eut rendu compte de son expédition au bureau, les dépouilles de l’épicier furent portées dans l’office. Alors il ne fut plus question que de se réjouir. On dressa dans le salon une grande table et l’on me renvoya dans la cuisine, où la dame Léonarde m’instruisit de ce que j’avais à faire. Je cédai à la nécessité, puisque mon mauvais sort le voulait ainsi ; et, dévorant ma douleur, je me préparai à servir ces honnêtes gens.

Je débutai par le buffet, que je parai de tasses d’ar-