Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/418

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le lendemain matin dans la grande place. Ce cavalier, après que nous nous fûmes séparés, entra chez lui, et ne fit nullement connaître à Violante qu’il sût de ses nouvelles. Il se trouva le jour suivant dans la grande place ; j’y arrivai un moment après lui. Nous nous saluâmes avec des démonstrations d’amitié aussi perfides d’un côté que sincères de l’autre. Ensuite l’artificieux don Baltazar me fit une fausse confidence de son intrigue avec la dame dont il m’avait parlé la nuit précédente. Il me raconta là-dessus une longue fable qu’il avait composée, et tout cela pour m’engager à lui dire à mon tour de quelle façon j’avais fait connaissance avec Violante ; Je ne manquai pas de donner dans le piège : j’avouai tout avec la plus grande franchise du monde. Je montrai même le billet que j’avais reçu d’elle, et je lus ces paroles qu’il contenait : J’irai demain dîner chez dona Inès. Vous savez où elle demeure. C’est dans la maison de cette fidèle amie que je prétends avoir un tête-à-tête avec vous. Je ne puis vous refuser plus longtemps cette faveur que vous me paraissez mériter.

Voilà, dit don Baltazar, un billet qui vous promet le prix de vos feux. Je vous félicite par avance du bonheur qui vous attend. Il ne laissait pas, en parlant de la sorte, d’être un peu déconcerté ; mais il déroba facilement à mes yeux son trouble et son embarras. J’étais si plein de mes espérances, que je ne me mettais guère en peine d’observer mon confident, qui fut obligé toutefois de me quitter, de peur que je ne m’aperçusse enfin de son agitation. Il courut avertir son beau-frère de cette aventure. J’ignore ce qui se passa entre eux ; je sais seulement que don Baltazar vint frapper à la porte de dona Inès dans le temps que j’étais chez cette dame avec Violante. Nous sûmes que c’était lui, et je me sauvai par une porte de derrière avant qu’il fût entré. D’abord que j’eus disparu, les femmes, que l’arrivée imprévue de ce mari avait un peu troublées, se rassu-