Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/90

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ma cousine. Ah ! puisque je vous ai rencontré, continue-t-elle, je veux vous faire voir combien je suis sensible aux services qu’on rend à ma famille, et particulièrement à ma chère cousine. Vous viendrez, s’il vous plaît, dès ce moment loger chez moi ; vous y serez plus commodément qu’ici. Je voulus m’en défendre, et représenter à la dame que je pourrais l’incommoder chez elle : mais il n’y eut pas moyen de résister à ses instances. Il y avait à la porte de l’hôtellerie un carrosse qui nous attendait. Elle prit soin elle-même de faire mettre ma valise dedans, parce qu’il y avait, disait-elle, bien des fripons à Valladolid ; ce qui n’était que trop véritable. Enfin, je montai en carrosse avec elle et son vieil écuyer, et je me laissai de cette manière enlever de l’hôtellerie au grand déplaisir de l’hôte, qui se voyait par là sevrer de la dépense qu’il avait compté que je ferais chez lui avec la dame, l’écuyer et le petit maure.

Notre carrosse, après avoir quelque temps roulé, s’arrêta. Nous en descendîmes pour entrer dans une assez grande maison, et nous montâmes dans un appartement qui n’était pas malpropre, et que vingt ou trente bougies éclairaient. Il y avait là plusieurs domestiques à qui la dame demanda d’abord si don Raphaël était arrivé ; ils répondirent que non. Alors, m’adressant la parole : Seigneur Gil Blas, me dit-elle, j’attends mon frère qui doit revenir ce soir d’un château que nous avons à deux lieues d’ici. Quelle agréable surprise pour lui de trouver dans sa maison un homme à qui toute notre famille est si redevable ! Dans le moment qu’elle achevait de parler ainsi, nous entendîmes du bruit, et nous apprîmes en même temps qu’il était causé par l’arrivée de don Raphaël. Ce cavalier parut bientôt. Je vis un jeune homme de belle taille et de fort bon air. Je suis ravie de votre retour, mon frère, lui dit la dame ; vous m’aiderez à bien recevoir le seigneur Gil Blas de Santillane. Nous ne saurions assez reconnaître ce qu’il a fait pour dona Mencia, notre parente. Tenez, ajouta--